β-carotène
Le β-carotène est un caroténoïde qui intervient dans la croissance et l’intégrité des cellules de la peau. Sa carence se manifeste par un dessèchement de la peau avec atrophie des glandes sébacées et sudoripares et un épaississement de la couche cornée de la peau (hyperkératose) donnant à celle-ci un aspect rugueux. Le β-carotène a également un effet photoprotecteur de la peau contre les UV. Depuis les années 80, des études ont attesté ce potentiel photoprotecteur d’une supplémentation en β-carotène [1]. C’est l’un des plus importants antioxydants dans les mécanismes de défense du corps et de la peau contre les radicaux libres et notamment contre le rayonnement UV [2]. C’est aussi le seul caroténoïde possédant une activité de provitamine A.
Le β-carotène est un caroténoïde très répandu dans notre alimentation. A la différence du lycopène et des xanthophylles, le β-carotène est un précurseur de la vitamine A. Le bêtacarotène ne se transforme en vitamine A que dans la mesure où l’organisme en a besoin. Contrairement à la lutéine et la zéaxanthine, il n’est pas du tout présent dans les cellules du cristallin [12].
Action protectrice de la peau contre les UV
Le β-carotène pris oralement peut augmenter le seuil de tolérance au coup de soleil. Il a un effet photoprotecteur mais sa concentration dans le sang n’est pas suffisante pour constituer un écran solaire [3]. D’autre part, l’ingestion de β-carotène n’influence pas le niveau de vitamine A [1].
Une supplémentation en β-carotène chez l’homme à de fortes concentrations (120 ou 90 mg/j) permet d’augmenter sa concentration dans le plasma et dans la peau mais on ne constate aucun changement dans l’intensité de l’érythème provoqué par une exposition de la peau aux UV. Cette supplémentation ne modifie pas le nombre de cellules brûlées par le soleil [4].
Toutefois, un apport en β-carotène à plus faible dosage (30 mg/j) augmente la coloration jaune de la peau dès le 10ème jour, bien que cela ne soit pas visible à l’œil nu. Si l’on continue la supplémentation pendant les jours d’exposition solaire, cela permet aussi de réduire l’intensité de l’érythème par rapport au groupe placebo car la concentration en β-carotène de la peau ne descend pas en dessous d’un seuil critique associé à un risque de cancer cutané. Il y a effet synergique entre les systèmes de photoprotection locaux et systémiques [2]. La supplémentation en β-carotène permet d’atténuer la vasodilatation responsable de l’érythème constatée après exposition aux UV [5].
Le béta carotène agit en tant qu’agent photoprotecteur dans la peau, mais le mécanisme exact de protection est toujours méconnu. Le béta carotène alimentaire s’accumule dans la peau et agit comme agent protecteur contre les dommages induits par les UVA, en réduisant l’oxygène singulet [13].
Pigmentation de la peau
En plus de son action antioxydante, une supplémentation en β-carotène joue un rôle de coloration de la peau, plus ou moins prononcée selon la partie du corps. Pour une consommation de 25 mg de β-carotène pendant 3 mois, on note une augmentation de sa concentration cutanée de à 0,7 fois dans la peau du dos à 17 fois sur le dos de la main [6]. Une partie de l’effet photoprotecteur du β-carotène repose sur sa capacité à absorber la lumière [2, 3], bien que la quantité de caroténoïdes dans la peau soit insuffisante pour jouer le rôle d’écran solaire par la simple coloration cutanée [7].
Prévention du cancer de la peau
Des preuves existent pour attester l’efficacité d’une prise orale de β-carotène pour diminuer le taux de cancers de la peau chez l’animal mais chez l’homme, les résultats sont moins significatifs.
Chez l’animal
Une supplémentation en β-carotène permet de réduire l’angiogenèse chez la souris. Cet effet anti-cancérigène est probablement dû en partie à une action d’inhibition de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans la masse tumorale [8].
Ce résultat est confirmé par une autre étude in vivo. Les souris atteintes de cancer de la peau à deux stades différents et nourries avec du β-carotène pendant 11 semaines ont un nombre de tumeurs moins élevé que celle ne prenant pas de β-carotène. Cet effet protecteur de la tumorogenèse par le β-carotène n’implique pas la vitamine A mais plus probablement les propriétés de capture des radicaux oxygène du β-carotène [9].
Chez l’homme
Les personnes atteintes de cancers de la peau de type mélanome ou non mélanome possèdent une concentration plasmatique en β-carotène inférieure à celle de personnes saines [2].
Une étude clinique australienne menée sur 4 ans et 1621 sujets a cherché à connaître l’effet de la prise de β-carotène sur l’incidence de la kératose solaire, conduisant au cancer de la peau. Il en résulte que la supplémentation en β-carotène (30 mg/j) n’a aucune influence sur l’apparition de la kératose solaire contrairement à l’application quotidienne d’un écran solaire haute protection sur la peau qui la retarde de 24% [10]. Une autre étude australienne n’a pas trouvé de différence dans le taux de cancers de la peau (carcinomes des cellules basales et des cellules squameuses) chez les personnes supplémentées en β-carotène (30 mg/j) par rapport au groupe placebo. Par contre, l’application quotidienne d’un écran solaire indice 15 permet de réduire le nombre de carcinomes des cellules squameuses [11].
Action protectrice contre les maladies de l’œil liées à l’âge
Alors que des études menées sur modèle animal ont montré que le β-carotène pouvait apporter une protection contre les dommages causés au cristallin [14-15], son effet sur les opacités du cristallin humain apparaissant avec l’âge n’est pas encore totalement connu [16].
Cataracte
Il a été montré que la consommation de carottes (grande source d’α et de β-carotène) n’a aucune relation avec la cataracte [17]. On a même mesuré le taux plasmatique en β-carotène chez les personnes présentant une cataracte. Aucun lien n’est trouvé entre cette concentration et l’opacification nucléaire du cristallin due au vieillissement [18].
Mais le β-carotène peut être consommé sous forme de supplément, seul ou associé à d’autres vitamines. Là encore, toutes les études n’ont pas les mêmes conclusions. Seule, une supplémentation en β-carotène de 50 mg/j pendant 12 ans n’apporte aucun bénéfice quant au risque de cataracte par rapport au groupe placebo. Le seul point positif concerne les fumeurs. Cette supplémentation en β-carotène réduit d’1/4 leur risque, à l’origine plus élevé de développer une cataracte [19].
D’autres études l’ont associé aux vitamines E et C. Au cours d’une étude portant sur 4 629 sujets suivis durant six ans, les chercheurs ont conclu que la prise quotidienne de 500 mg de vitamine C, 400 mg de vitamine E et 15 mg de β-carotène n’avait eu aucun effet sur la prévention ou la progression de la cataracte [20]. Une autre étude concernant 158 sujets souffrant d’un début de cataracte ont cependant conclu que la même combinaison, mais dosée différemment (750 mg de vitamine C, 600 mg de vitamine E et 18 mg de β-carotène), prise durant trois ans avait ralenti légèrement la progression de la maladie [21].
Glaucome
Chez des infirmières âgées suivies pendant 6 ans, les auteurs de l’étude n’ont pas trouvé d’association entre la consommation de β-carotène et le risque de glaucome [22].
DMLA
En ce qui concerne la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), le β-carotène n’apporte pas plus de protection que le placebo. C’est la conclusion d’un suivi de plus de 6 ans de 4 groupes de personnes : ne présentant pas de DMLA, une DMLA débutante, intermédiaire ou avancée. Une supplémentation en β-carotène, vitamines C et E, cuivre et zinc n’a permis une diminution de 25% du risque de développer une DMLA avancée qu’à très fort dosage [23].
Effets néfastes
Des doses élevées de β-carotène ont un effet négatif sur l’incidence du cancer du poumon chez les fumeurs [25]. En attendant que la sécurité de ces compléments alimentaires soit confirmée, il est recommandé de consommer des aliments riches en β-carotène.
Effets indésirables
Une très grande consommation de végétaux riches en caroténoïdes peut entraîner une hypercaroténose. Cet état se manifeste par une coloration orange de la peau dans les plis du nez et des lèvres, la partie « palmée » entre les doigts et la plante des pieds. L’hypercaroténose est bénigne et ne conduit pas à une hypervitaminose, mais elle peut être un symptôme d’une mauvaise absorption des caroténoïdes.
Conclusion
Le β-carotène est le caroténoïde le plus fréquent dans notre alimentation. Présent dans les fruits et légumes de couleur orange et jaune, il possède une activité antioxydante. Il possède également la faculté de se transformer en vitamine A, essentielle pour la vision. Ce nutriment est donc très important pour la protection de l’œil contre le stress oxydatif survenant au cours du vieillissement. Une supplémentation, en association avec d’autres antioxydants et minéraux peut apporter une faible diminution du risque de cataracte et de dégénérescence maculaire liée à l’âge au stade avancé, mais les études épidémiologiques ne sont pas toutes si encourageantes
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