LE CALCIUM
Le calcium est un minéral alcalinoterreux cliniquement apparenté au magnésium. Sa forme biologique active est l’ion bivalent Ca2+, le corps humain adulte contient 1000 à 1200 g de calcium dont approximativement 99% sont localisés dans l’os sous forme d’hydroxyapatite. Le calcium intervient dans de multiples fonctions : excitabilité neuromusculaire, conduction nerveuse, contraction musculaire, libération d’hormones, activation d’enzyme, contrôle de la pression artérielle… [1]
Calcium et poids
Depuis près de dix ans, des observations effectués sur des rats ont déterminé une relation entre l’augmentation de l’assimilation du calcium et la réduction de la masse grasse corporelle spécifique. Depuis beaucoup d’études ont été effectuées et suggèrent que le calcium joue un rôle dans la réduction de l’incidence de l’obésité et dans la prévalence du syndrome de résistance à l’insuline.[2]
A partir de 2000, des hypothèses sur les mécanismes physiologiques des effets pondéraux du calcium ont été avancées,
– le calcium intracellulaire des adipocytes favorise la lipogénèse et inhibe la lipolyse.
– les apports nutritifs de calcium exercent un rétrocontrôle négatif sur la pénétration de calcium dans les adipocytes.
Etude sur des animaux
Des souris transgéniques surexprimant le gène Agouti (partie c-term ayant pour cible les canaux calciques), provoque une accélération du gain de poids et de l’accrétion des graisses. Un apport de calcium diminue la lipogénèse, accélère la lipolyse, augmente la thermogenèse et supprime l’accrétion des graisses et le gain de poids chez les animaux maintenus à des apports caloriques identiques.
Ce concept a été confirmé par des études épidémiologiques et cliniques qui démontrent que l’augmentation de calcium réduit la masse du tissu adipeux chez les personnes obèses en absence de réduction calorique et accélère la perte de poids et de masse grasse en présence d’une restriction calorique.[3]
Etude chez l’homme
Chez 32 adultes obèses, pendant 24 semaines, les patients sont maintenus à un déficit de 500 kcal/jour et compléter avec :
A) une nourriture standard (400 à 500 mg de calcium /jour). Equivalent à un apport calcique < ou = 1 portion de produits laitiers.
– perte de 6,4+/-2.5% de leur poids
B) une nourriture riche en calcium (nourriture standard additionnée de 800 mg de calcium (carbonate de calcium)/jour) pour parvenir à un total de 1200 à 1300 mg de calcium par jour.
– perte de 8,6+/-1.1% de leur poids.
C) une nourriture riche en produit laitier équivalent à 3 portions de produits laitiers pour parvenir à un total de 1200 à 1300 mg de calcium par jour.
– perte de 10.9+/-1.6% de leur poids P<0.01
La perte de masse grasse est significativement augmenté de 38 % pour une nourriture riche en calcium ou de 64% pour une nourriture riche en produits laitiers (P<0,01). De plus, dans la région du tronc, la perte de masse grasse représente 19,0+/- 7,9% dans le groupe A et est augmenté par 50,1+/-6,4% et 66,2+/-3,0% dans le groupe B et C respectivement (P<0,001).
Les auteurs constatent que l’augmentation de l’apport calcique pendant une restriction calorique augmente significativement la perte de poids et de masse grasse et augmente le pourcentage de perte de masse grasse dans la région du tronc. Les apports calciques provenant des produits laitiers exercent un meilleur effet.[4]
Dans une étude avec 35 sujets non obèses (21 hommes et 14 femmes), un supplément de calcium ou celui provenant des produits laitiers est corrélé à une oxydation des graisses.[5]
Chez 100 femmes ménopausées et post-ménopausées, 1000 mg par jour de supplément de calcium a été administré pendant 25 semaines et en complément d’un régime alimentaire. Il n’y a pas de différence significative de changement de poids (-6.2 +/- 0.7 vs. Ca -7.0 +/- 0.7 kg) ou de masse grasse (-4.5 +/- 0.6 vs. Ca -5.5 +/- 0.6 kg) entre le placebo et le groupe test et pas d’interaction spécifique de la supplémentation de calcium avec le statut de ménopause. La supplémentation de calcium n’affecte pas de manière significative la perte de poids ou de masse grasse chez les femmes suivant un régime modéré pendant 25 semaines. D’autres études doivent être effectuées pour confirmer ces résultats.[6]
Le fait qu’une prise de poids à long terme après la grossesse souligne le besoin d’identifier les facteurs qui facilitent la perte de poids post- partum. Il est considéré que la lactation est un de ces facteurs. Une des hypothèses était que le calcium favoriserait la perte de poids et la perte de graisse. Cependant, les résultats d’une étude ont démontré qu’une supplémentation en calcium de 1g/d ne favorisait pas la perte de poids et de graisse post- partum.[11]
La perte de poids induit une perte osseuse et ce phénomène peut être atténué par une supplémentation en calcium. La conclusion d’une étude a confirmé qu’une la perte de poids était associée avec une augmentation de la perte osseuse et qu’un régime à base de protéines du lait représente un avantage modeste comparé à un régime à base de protéines de sources diverses. Combiné avec une excrétion urinaire réduite de calcium, un régime riche en protéines et très riche en calcium pourrait protéger contre les pertes osseuses durant la perte de poids.[12]
Calcium et profil lipidique
235 hommes et 235 femmes âgées de 20 à 65 ans ont été répartis en trois groupes sur la base de leur consommation de produits laitiers. Groupe A (<600 mg), B (600 à 1000 mg) et C (>1000 mg). L’assimilation de produits laitiers est corrélée négativement avec le LDL cholestérol plasmatique et le cholestérol total. Chez les femmes, un plus grand rapport du cholestérol total sur le HDL cholestérol (p<0,05) est observé dans le groupe A que dans le groupe C. Le poids, le pourcentage de masse grasse, la masse grasse, le BMI, le tour de taille et le tissu adipeux abdominal sont plus important (p<0,05) dans le groupe A que dans les autres groupes. Les mêmes observations sont effectuées chez les hommes mais les variables sont différentes.
Ces résultats suggèrent qu’une petite consommation de produits laitiers est associé avec une adiposité plus importante, en particulier chez les femmes. Chez les hommes et les femmes, une grande consommation de calcium est associée avec un profil lipidique qui prédit un risque moindre de risques de maladies coronaires du cœur en comparaison avec un plus petit apport calcique.[7]
Hypothèse du mode d’action du calcium associé à l’adiposité
Le calcium joue un rôle dans la régulation du métabolisme énergétique. Une nourriture riche en calcium atténue l’accrétion lipidique et le gain de poids durant la consommation d’une nourriture riche en énergie. Au cours d’une restriction calorique, une nourriture riche en calcium augmente la lipolyse et préserve la thermogenèse, ce qui accélère la perte de poids.
Le calcium intracellulaire joue un rôle clé dans le métabolisme lipidique des adipocytes et du stockage des triglycérides, le calcium intracellulaire stimule la lipogenèse, supprime la lipolyse et augmente l’adiposité. De plus, l’augmentation du calcitriol produit en réponse à une nourriture pauvre en calcium, une stimulation de l’influx calcique dans l’adipocyte et en conséquence induit l’adiposité. Un complément riche en calcium pourrait diminuer le calcitriol et ainsi limiter l’entrée intracellulaire de calcium ce qui inhibe la lipogénèse, permet la lipolyse, l’oxydation des lipides et la thermogénèse.
Notamment, les produits laitiers atténuent le gain de poids et de graisses et accélèrent la perte de masse grasse de façon plus effective qu’une source complémentaire de calcium. Cet effet est du au composés bioactifs qui agissent en synergie avec le calcium pour atténuer l’adiposité. [8]
Calcium et absorption intestinale
Des minéraux telles que le calcium, le potassium et le magnésium peuvent contribuer à diminuer la pression sanguine. Le calcium possède des effets sur la concentration plasmatique de lipides. Des auteurs suggèrent que le calcium peut former des savons insolubles avec les acides gras de l’intestin et peut donc empêcher l’absorption d’une partie de ces acides gras. [9]
Cible thérapeutique et contrôle de l’obésité
Le calcium intracellulaire du tissu adipeux est une cible qui contrôle l’adiposité. La nifedipine, un antagoniste des canaux calciques peut diminuer la masse du tissu adipeux, et en conséquence diminue l’obésité.[10]
Conclusion
Les différentes études rapportées semblent indiquer une relation inverse entre l’apport de calcium et le développement de la masse adipeuse. Outre son effet sur le maintien de l’intégrité squelettique, sur la pression sanguine et la réduction des maladies cardiovasculaires, il exercerait un effet sur le contrôle de l’adiposité. Des études suggèrent même que l’assimilation de calcium par un équivalent de deux produits laitiers par jour peut réduire le risque de surpoids par près de 70% [10]. De plus, les apports en produits laitiers exercent un meilleur effet pour prévenir l’obésité que les suppléments en carbonate de calcium et ceci possiblement due aux effets des composés bio-actifs du lait. Le calcium pourrait être un élément essentiel pour contribuer au succès des régimes amincissants.
Références
1. A Martin et col. AFSSA 2001 Apports Nutritionnels Conseillés pour la population française. Tec et Doc
2. Teegarden D. Calcium intake and reduction in weight or fat mass. J Nutr. 2003 Jan;133(1):249S-251S.
3. Zemel MB. Role of dietary calcium and dairy products in modulating adiposity. Lipids. 2003 Feb;38(2):139-46.
4. Zemel MB, Miller SL. Dietary calcium and dairy modulation of adiposity and obesity risk. Nutr Rev. 2004 Apr;62(4):125-31.
5. Melanson EL, Sharp TA, Schneider J, Donahoo WT, Grunwald GK, Hill JO. Relation between calcium intake and fat oxidation in adult humans. Int J Obes Relat Metab Disord. 2003 Feb;27(2):196-203.
6. Shapses SA, Heshka S, Heymsfield SB. Effect of calcium supplementation on weight and fat loss in women. J Clin Endocrinol Metab. 2004 Feb;89(2):632-7.
7. Jacqmain M, Doucet E, Despres JP, Bouchard C, Tremblay A. Calcium intake, body composition, and lipoprotein-lipid concentrations in adults. Am J Clin Nutr. 2003 Jun;77(6):1448-52.
8. Zemel MB. Role of calcium and dairy products in energy partitioning and weight management. Am J Clin Nutr. 2004 May;79(5):907S-912S.
9. Vaskonen T. Dietary minerals and modification of cardiovascular risk factors. J Nutr Biochem. 2003 Sep;14(9):492-506.
10. Heaney RP, Davies KM, Barger-Lux MJ. Calcium and weight: clinical studies. J Am Coll Nutr. 2002 Apr;21(2):152S-155S.
11. Wosje KS, Kalkwarf HJ. Lactation, weaning, and calcium supplementation: effects on body composition in postpartum women. Am J Clin Nutr. 2004 Aug;80(2):423-9.
12. Bowen J, Noakes M, Clifton PM. A high dairy protein, high-calcium diet minimizes bone turnover in overweight adults during weight loss. J Nutr. 2004 Mar;134(3):568-73.