Dr Marvin Edeas, Président de la Société Française des Antioxydants (SFA), et affilié à l’Institut Cochin, INSERM U 1016, Université Paris Descartes, suggère d’abandonner la théorie du stress oxydatif pour s’intéresser aux mécanismes d’action intra cellulaires intervenant sur la régulation génétique.
Propos recueillis par Pierre Christen
Process alimentaire : L’efficacité des antioxydants est-elle remise en cause ?
Marvin Edeas :
Depuis deux ou trois ans, il y a d’importantes controverses. Des méta-analyses ont montré qu’une supplémentation en β-carotène, vitamines A, C ou E, isolés ou associés, n’apporte aucun effet favorable sur cinq cancers gastro-intestinaux.
Par ailleurs, une équipe canadienne est à l’origine d’une polémique qui met en doute la théorie du stress oxydatif et le rôle des espèces radicalaires oxygénées dans le vieillissement.
Lors de Suvimax, des effets négatifs ont même été observés suite à la supplémentation chronique en antioxydants à doses nutritionnelles
chez des femmes ayant, avant l’étude, un taux plasmatique d’antioxydants normal. On a observé une augmentation de l’incidence du cancer de la peau.
P. A. : Pourquoi ces résultats négatifs ?
M.E. La théorie consistant à éliminer totalement les radicaux libres, générateurs du stress
oxydatif, par un apport d’antioxydants, est une erreur. Il est plus pertinent d’avoir le bon niveau
d’antioxydants dans des quantités adéquates au bon endroit et au bon moment. Il faut donc mieux
prendre en compte le micro-environnement et la régulation génétique.
Beaucoup d’études cliniques portent sur des volontaires dont on ne connaît pas les capacités
d’absorption de tel ou tel antioxydant. Celles-ci sont dépendantes du patrimoine génétique. De plus,
la métabolisation de ces composés diffère selon les individus. Une supplémentation peut avoir un
effet pro-oxydant chez un individu à forte métabolisation et antioxydant chez un individu à faible
métabolisation. Dès lors, je crois beaucoup à la nutrigénomique, c’est à dire à la personnalisation
de la supplémentation en fonction de l’individu. Il faut aussi mieux prendre en compte l’influence de
la matrice. Une étude a, par exemple, montré que l’action antioxydante d’un extrait de thé vert placé
dans un produit laitier est inhibée par la caséine.
Propos recueillis par Pierre Christen
* Le Dr Marvin Edeas est professeur d’Université, président de la SFA et Directeur de l’« European Antioxidants Task Force ».