Acide α-lipoïque
L’acide alpha lipoïque est appelé aussi acide thioctique ou, encore, acide lipodomique. C’est l’acide 1,2-dithiolane-3-pentanoïque. Les fonctions de l’acide lipoïque sont de trois ordres: coenzyme, puissant antioxydant et chélateur de minéraux. Son processus de synthèse par l’organisme n’est pas encore connu, mais il a été remarqué que les teneurs sanguines s’abaissent avec l’âge. Une déficience en acide lipoïque peut même survenir à la suite d’un stress oxydatif, d’où l’importance de mieux connaître le rôle de cette molécule dans le vieillissement de la peau en particulier.
Activité antioxydante et métabolisme
L’acide α lipoïque (ALA) et sa forme réduite, l’acide dihydrolipoïque (DHLA) sont des antioxydants puissants [1]. Le DHLA peut piéger les radicaux libres, chélater les métaux et régénérer d’autres antioxydants. L’acide lipoïque est l’une des molécules susceptibles de maintenir une réponse adaptée et minimiser les effets du stress sur l’organisme [2]. Il est formé à partir d’un acide aminé, la cystéine.
L’acide lipoïque est un catalyseur de haute activité biologique, nécessaire à l’oxydation des glucides et des lipides conduisant à la génération d’ATP, la forme d’énergie chimique utilisée par l’organisme. A ce titre, il est connu comme un cofacteur de la production d’énergie, de manière similaire à plusieurs vitamines B (B2, B3).
Son administration permet de modifier le métabolisme du fer. Il augmente la concentration en ferritine et diminue la prise de fer à partir de celle-ci. Il réduit le risque de dommage oxydatif inuit par le fer. Toutefois, en présence de fer, le DHLA peut être pro-oxydant [3].
L’acide α lipoïque joue un rôle essentiel dans les réactions de la déshydrogénase mitochondriale et ses capacités antioxydantes lui donnent un grand intérêt pour le traitement de maladies dues au stress oxydatif. Il protège les membranes cellulaires en interaction avec la vitamine C et le glutathion, ce qui permet de recycler la vitamine E [4]. Il prolonge la demi-vie de la vitamine E in vitro et permet sa régénération. Mais in vivo, une supplémentation avec de l’acide lipoïque ne permet pas de régénérer la vitamine E dans les tissus de souris présentant une déficience en vitamine E depuis plus de 5 semaines [5].
De plus, son administration permet d’augmenter le taux de glutathion intracellulaire non seulement en le régénérant mais aussi en favorisant sa synthèse à partir de la cystéine.
Une supplémentation en acide lipoïque améliore l’activité des enzymes mitochondriales et le statut antioxydant, ce qui protège les mitochondries du vieillissement [6].
L’acide lipoïque agit aussi en améliorant le transport du glucose et son métabolisme. A ce titre, il peut se révéler intéressant pour le traitement des affections liées au diabète. De fortes prises d’acide lipoïque augmentent l’absorption de glucose dans les muscles des diabétiques de type II. L’acide lipoïque diminue les dommages sur les protéines causés par des taux élevés de glucose. Il peut être bénéfique en améliorant le flux sanguin, en réduisant le stress oxydatif et en améliorant la conduction nerveuse dans les cas de neuropathie diabétique [7].
Stabilité
L’ALA est très bien absorbé par le tube digestif et se diffuse dans tous les tissus, il est à la fois liposoluble et hydrosoluble.
Différentes formes d’acide lipoïque
La forme naturelle de l’acide lipoïque est appelée R-acide α-lipoïque ou (R)-ALA. C’est la plus active physiologiquement et aussi la plus rare. Elle offre des bénéfices antioxydants et neuroprotecteurs nettement plus importants à des doses substantiellement plus faibles que les formes synthétiques habituellement disponibles. A cause de l’extrême difficulté et du coût élevé d’isoler la forme naturelle de l’acide α -lipoïque, le R-acide α-lipoïque, on a mis au point un acide α-lipoïque synthétique. Il est formé d’un mélange, à parts égales, de deux formes appelés (R)-ALA et (S)-ALA. Ce sont deux isomères, avec des structures moléculaires inversées [8].
Une injection intradermale de R ou S lipoate (forme oxydée) ne permet pas d’empêcher l’inflammation de la peau contrairement au dihydrolipoate (forme réduite). Par contre, par voie orale, la forme naturelle, le R-lipoate possède cette activité anti-inflammatoire, alors qu’elle est très faible pour le S-lipoate, forme non physiologique [9].
Sources d’acide lipoïque
L’acide α-lipoïque naturel, appelé R-acide α-lipoïque se trouve en quantités infimes dans les tissus végétaux et animaux et très étroitement lié à des complexes mitochondriaux.
Les principales sources alimentaires d’acide lipoïque sont les épinards, les rognons, le cœur, la viande de bœuf, le brocoli. Mais elles n’en apportent que de faibles quantités.
Prévention du vieillissement de la peau
Utilisation de l’acide lipoïque en cosmétique locale
Etant donné ses propriétés antioxydantes, l’acide lipoïque intéresse les fabricants de cosmétiques. Il est incorporé dans des crèmes de soin pour le visage anti-âge. Il intervient en tant qu’agent protecteur contre les dommages causés par les rayons UV.
Une étude suédoise a permis d’évaluer l’efficacité d’une crème de soin pour le visage destinée à lutter contre le vieillissement de la peau contenant de l’acide lipoïque. 33 femmes âgées de 54,4 ans en moyenne ont appliqué deux fois par jour pendant 3 mois une crème contenant de l’acide lipoïque (5%) sur une moitié de leur visage et une crème n’en contenant pas sur l’autre moitié. Une amélioration significative est mesurée sur la partie traitée avec l’acide lipoïque. Les rougeurs diminuent de 50,8% avec l’ALA contre 40,7% sans. Cette étude montre qu’une crème à 5% d’acide lipoïque peut améliorer les caractéristiques cliniques de la peau soumise au photo vieillissement [10].
Une autre expérience a été menée sur de la peau de porc. Les chercheurs néerlandais ont mesuré la biodisponibilité de l’acide lipoïque 1h après une application locale à des doses croissantes sur l’épiderme exposé aux UV B. Non seulement l’acide lipoïque prévient la péroxydation des lipides induite par les UVB, comme les autres antioxydants testés, mais elle tend à la diminuer. Cette expérience ex vivo est importante pour tester l’activité de l’acide lipoïque [11].
Utilisation de l’acide lipoïque en cosmétique orale
Cette déficience en acide lipoïque au fil des ans et des attaques des radicaux libres induit une baisse du niveau d’énergie qui peut être restauré par la prise D’ALA. Etant donné que l’acide lipoïque est soluble à la fois dans l’eau et les graisses, il exerce ainsi son activité dans ces deux milieux. Des suppléments d’ALA sont disponibles aux USA (100 mg/gélule).
Pris à des doses préventives (20 à 50 mg/j) en continu, l’acide lipoïque ne présente aucun effet secondaire. Pris à des doses thérapeutiques (100 à 800 mg/j voire 1g/j), il peut entraîner, chez certaines personnes, quelques légers troubles digestifs sans aucune conséquence.
Biodisponibilité
Lorsque l’on prend un supplément nutritionnel contenant de l’acide α-lipoïque synthétique, les deux énantiomères sont absorbés par le sang et transportés vers les cellules. Mais le (R)-ALA a une bien meilleure biodisponibilité que le (S)-ALA.
Les études montrent que la forme naturelle de l’acide α-lipoïque est bien mieux acceptée par les tissus. Dans une étude, des scientifiques ont donné à des animaux de laboratoire la forme (R), la forme (S) ou le mélange des deux [12]. Les doses ont été injectées pour qu’il n’y ait pas de différence d’absorption
au niveau du système digestif. Au bout d’une heure, les niveaux en acide lipoïque étaient identiques dans les trois groupes. Mais 3h plus tard, les animaux ayant reçu la forme naturelle, (R)-ALA, avaient 2 à 7 fois plus d’acide α-lipoïque dans le cristallin de leurs yeux que ceux auxquels on avait injecté la forme (S) et trois fois plus que ceux ayant reçu le mélange des deux.
Conclusion
L’acide lipoïque est une molécule qui participe au système de défense antioxydante de l’organisme. Il agit comme antioxydant non seulement directement, en neutralisant les radicaux et chélatant les métaux, mais, aussi, indirectement, en recyclant d’autres antioxydants. Le vieillissement de la peau découlant en partie d’un stress oxydatif, l’acide lipoïque fait naturellement partie des ingrédients intéressant pour la lutte contre le vieillissement. Il diminue la péroxydation des lipides et atténue les rougeurs. Mais comme de nombreux antioxydants, son action est potentialisée en présence d’autres antioxydants (vitamine C). Une meilleure élucidation des mécanismes d’action moléculaires de l’acide lipoïque permettra de comprendre son potentiel thérapeutique et préventif.
Références
1. Packer L, Witt EH, Tritschler HJ. alpha-Lipoic acid as a biological antioxidant. Free Radic Biol Med. 1995 Aug;19(2):227-50.
2. Kelly GS. Nutritional and botanical interventions to assist with the adaptation to stress. Altern Med Rev. 1999 Aug;4(4):249-65
3. Goralska M, Dackor R, Holley B, McGahan MC. Alpha lipoic acid changes iron uptake and storage in lens epithelial cells. Exp Eye Res. 2003 Feb;76(2):241-8.
4. Packer L, Kraemer K, Rimbach G. Molecular aspects of lipoic acid in the prevention of diabetes complications. Nutrition. 2001 Oct;17(10):888-95.
5. Podda M, Tritschler HJ, Ulrich H, Packer L. Alpha-lipoic acid supplementation prevents symptoms of vitamin E deficiency. Biochem Biophys Res Commun. 1994 Oct 14;204(1):98-104.
6. Arivazhagan P, Ramanathan K, Panneerselvam C. Effect of DL-alpha-lipoic acid on mitochondrial enzymes in aged rats. Chem Biol Interact. 2001 Nov 28;138(2):189-98.
7. Ziegler D; Gries FA. Alpha-lipoic acid in the treatment of diabetic peripheral and cardiac autonomic neuropathy. Diabetes, 1997 Sep, 46 Suppl 2:, S62-63-61
8. L’acide naturel R-alpha-lipoïque, forme naturelle de l’acide alpha-lipoïque, est biologiquement plus actif que la forme de synthèse, Nutranews, Déc 2002, 12-14
9. Fuchs J, Milbradt R. Antioxidant inhibition of skin inflammation induced by reactive oxidants: evaluation of the redox couple dihydrolipoate/lipoate. Skin Pharmacol. 1994;7(5):278-84.
10. Beitner H. Randomized, placebo-controlled, double blind study on the clinical efficacy of a cream containing 5% alpha-lipoic acid related to photoageing of facial skin. Br J Dermatol. 2003 Oct;149(4):841-9.
11. Rijnkels JM, Moison RM, Podda E, van Henegouwen GM. Photoprotection by antioxidants against UVB-radiation-induced damage in pig skin organ culture. Radiat Res. 2003 Feb;159(2):210-7.
12. Maitra I. et al., Stereospecific effects of R (+)-lipoic acid on buthionine sulfoximine-induced cataract formation in newborn rats. Biochem Biophys Res Commun. 1996;50 (6):513-4.