LE FER
L’organisme d’un homme adulte renferme approximativement 4 g de fer. Celui ci joue un rôle essentiel dans de nombreuses fonctions biologiques. Il intervient dans la constitution de l’hémoglobine, de la myoglobine et des enzymes jouant un rôle capital dans de nombreuses réactions métaboliques (transport des électrons au niveau des mitochondries, métabolisme des catécholamines et synthèse d’ADN) [1]. Les régimes amincissants peuvent entraîner des carences notamment en fer ou en protéines, or ces nutriments sont indispensables à un bon équilibre. La maintenance d’une concentration correcte de fer est donc cruciale pour la santé [1].
Effet de l’altération du statut en fer
Le fer joue un rôle majeur dans l’immunosurveillance, par la croissance et la différentiation des cellules immunitaires, par les interférences avec des effecteurs immunitaires et les activités des cytokines. Le fer a également un rôle crucial dans la respiration mitochondriale et la synthèse d’ADN [2]. L’altération du métabolisme du fer contribue à un changement physiologique des globules rouges et peut empêcher le transport d’oxygène aux tissus, ce qui développe des dommages tissulaires importants [3]. Le contrôle de l’homéostasie ferrique est donc crucial pour la défense immunitaire et une altération de sa concentration peut être défavorable.
Effet d’une déficience en fer
Principaux effets :
– Diminution de l’activité de nombreuses enzymes respiratoires de la fraction mitochondriale du muscle cardiaque.
– Diminution de la capacité physique à l’effort.
– Aménorrhée
– Perte des cheveux
– Hépatomégalie
– Diminution des performances intellectuelles.
– Perturbations au cours de la gestation.
– Diminution de la résistance aux inflammations, de la défense immunitaire.
– Anomalies de la thermogenèse.
– Altération de la synthèse d’ADN.
Une réduction en fer semble mimer les radiations dans les dommages à l’ADN par cassure simple ou double ou par lésions oxydatives et provoque une altération des fonctions de la mitochondrie. Ces phénomènes contribuent au vieillissement et à la décomposition neurale [4].
Effet sur la prise de poids
Des données épidémiologiques ont suggéré une possible association entre déficience en fer et obésité.
Une étude de grande ampleur a récemment été réalisée aux Etats-Unis chez 9698 enfants âgés de 2 à 16 ans. Cette étude a révélé que les enfants obèses ou susceptibles de l’être présentaient un risque de déficit en fer multiplié par deux par rapport aux enfants de poids normal.
Etude chez l’homme
Depuis plusieurs années, une nourriture pauvre en énergie (VLED) est utilisée par des individus en surpoids afin de perdre du poids. Durant ce programme, les patients subissent une diminution dramatique des hormones thyroidiennnes circulantes ainsi qu’une diminution de l’intolérance au froid. Une quantité pauvre en fer altère la thermogenèse. Un complément de fer additionné pendant ce programme permet de rétablir la concentration d’hormone thyroidienne circulante [5].
Le fer est un élément majeur pour la prolifération de toutes les cellules incluant celles du système immunitaire. La déficience en fer provoque de sérieux défauts dans le système immunitaire. La réduction du nombre des cellules T périphériques et l’atrophie du thymus sont deux conséquences majeures de la déficience en fer. Il y a également un rôle potentiel du fer dans l’auto-immunité [6]. Un supplément de fer est accompagné par une amélioration du système immunitaire particulièrement chez les personnes qui en sont déficientes. En revanche, l’effet à long terme n’a pas été encore bien établi [7].
En 1988, Un cas d’anémie ferriprive a été reporté chez une femme de 38 ans. 8 ans plus tard, elle développe des syndromes classiques de maladie de coeliaque ; diarrhée, perte de poids et diminution de l’appétit [8].
Un apport en fer est généralement préconisé pendant la grossesse, les carences en fer étant responsables de naissances prématurées ou d’enfants de petite masse. Toutefois, il semble qu’en l’absence d’une carence réelle en fer chez la mère, une supplémentation excessive puisse entraîner des complications pour la mère et l’enfant, et en particulier l’apparition d’un diabète gestationnel [15, 16].
Enfin, de faibles taux de fer sanguins sont un facteur de mauvais pronostic chez les patients hémodialysés. Des essais cliniques sont nécessaires pour examiner le rôle de l’administration du fer dans l’amélioration de la morbidité de ces patients [21].
Effet d’une surcharge en fer :
Principaux effets :
– Effet oxydatif et maladie cardiovasculaire.
– risque plus élevé de mortalité
– augmentation du risque de diabète de type 2
– Stress oxydatif, effet sur la carcinogénèse
– Accumulation associée à un dommage progressif des tissus
Effet sur le diabète et les maladies associées
Etude chez l’animal
Chez des rats, l’administration de nitrilotriacetate de fer développe de la glycosurie, une diminution de la croissance avec une perte de poids éventuel, polyurie, polydipsie et la mort. Le taux de glucose reste normal, mais il y a une diminution de la tolérance au glucose et de la réponse à l’insuline par le glucose. Les résultats supportent l’hypothèse que le fer affecte les fonctions des îlots de langherans et peut être un agent étiologique du diabète dans l’hémochromatose [12].
Etude chez l’homme
Une grande réserve de fer est associée à une augmentation du risque de diabète de type 2 chez des femmes saines et indépendamment des risques de diabètes connus [10, 19].
L’augmentation du taux plasmatique de fer est une caractéristique récurrente de la pathologie diabétique suggérant l’implication de l’excès de fer dans le contrôle de la glycémie [20]. Une étude récente a montré qu’une grande réserve de fer était associée au développement du syndrôme métabolique et d’une résistance à l’insuline [22]. L’hyperglycémie induite par la résistance à l’insuline et la surcharge en fer pourrait endommager les hépatocytes et ainsi contribuer au développement de la stéato-hépatite non alcoolique chez les patients obèses [23].
Le fer peut être également un facteur oxydant des LDL qui peut faire progresser les maladies cardiovasculaires [11].
Effet sur la carcinogenèse
L’administration de sulfate de fer chez l’homme augmente la capacité des selles à produire des radicaux libres qui peuvent provoquer des dommages importants dans le colon. Les radicaux libres sont impliqués dans l’apparition et l’évolution de nombreuses pathologies, maladies cardiovasculaires et cancer.
Le fer peut agir dans l’induction de la carcinogenèse par induction d’un stress oxydatif, par facilitation de la croissance des tumeurs et modification du système immunitaire. Les résultats de nombreuses études cliniques et épidémiologiques démontrent une forte association entre l’excès de fer et le développement de cancer [9].
Effet sur le système immunitaire
L’accumulation de fer est associée à la formation de radicaux toxiques et de dommages progressifs des tissus. Le fer module les mécanismes des effecteurs immunitaires, tel que l’activité des cytokines, l’oxyde nitrique ou la prolifération des cellules immunitaires [13].
Consommation de fer non héminique
La consommation de fer non héminique abaisserait significativement les taux de manganèse dans l’organisme, ce qui ne semble pas être le cas pour le fer héminique. Les études qui ont identifié ce problème ont surtout été menées auprès de femmes (les femmes sont les principales consommatrices de suppléments de fer, avec les enfants, les adolescents et les athlètes). Une carence en manganèse peut entraîner, entre autres choses, une perte osseuse, une perte de poids, une décoloration des cheveux, des nausées et des vomissements et des défauts de la croissance [17, 18].
Conclusion
Il est important de bien équilibrer sa concentration en fer lors d’un régime amaigrissant. En effet, lors de cette période, il y a une déficience de nombreux minéraux et notamment en fer. Cette déficience s’accompagne bien souvent de nombreux dérèglements physiologiques qui peuvent à terme être néfaste pour l’organisme. En contre partie, un excès de fer est associé à de forts dommages oxydatifs et peut provoquer de nombreuses maladies. Le maintien d’une concentration correcte en fer est cruciale pour le bon fonctionnement de l’organisme.
Références
1. A Martin et col. AFSSA 2001 Apports Nutritionnels Conseillés pour la population française. Tec et Doc
2. Weiss G. [Iron, infection and anemia–a classical triad] Wien Klin Wochenschr. 2002 Jun 14;114(10-11):357-67.3. Scharte M, Fink MP. Red blood cell physiology in critical illness. Crit Care Med. 2003 Dec;31(12 Suppl):S651-7.
4. Ames BN. A role for supplements in optimizing health: the metabolic tune-up. Arch Biochem Biophys. 2004 Mar 1;423(1):227-34.
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6. Bowlus CL. The role of iron in T cell development and autoimmunity. Autoimmun Rev. 2003 Mar;2(2):73-8.
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10. Jiang R, Manson JE, Meigs JB, Ma J, Rifai N, Hu FB. Body iron stores in relation to risk of type 2 diabetes in apparently healthy women. JAMA. 2004 Feb 11;291(6):711-7.
11. Wells BJ, Mainous AG, King DE, Gill JM, Carek PJ, Geesey ME. The combined effect of transferrin saturation and low density lipoprotein on mortality. Fam Med. 2004 May;36(5):324-9.
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19. Lane DM. Iron stores as a risk factor for diabetes in women. JAMA. 2004 May 26;291(20):2428; author reply 2428-9
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21. Kalantar-Zadeh K, McAllister CJ, Lehn RS, Liu E, Kopple JD. A low serum iron level is a predictor of poor outcome in hemodialysis patients. Am J Kidney Dis. 2004 Apr;43(4):671-84.
22. Jehn M, Clark JM, Guallar E. Serum ferritin and risk of the metabolic syndrome in U.S. adults. Diabetes Care. 2004 Oct;27(10):2422-8
23. Hsiao TJ, Chen JC, Wang JD. Insulin resistance and ferritin as major determinants of nonalcoholic fatty liver disease in apparently healthy obese patients. Int J Obes Relat Metab Disord. 2004 Jan;28(1):167-72.