Le Houblon
Le houblon (Humulus lupulus L.) est une plante dont les inflorescences femelles ont depuis toujours contribué à la conservation et à la saveur de la bière. Mais elles contiennent aussi divers composés actifs étudiés chimiquement et phamacologiquement pour le bénéfice s’ils pourraient apporter aux femmes ménopausées.
Utilisation du houblon et de ses extraits
Les cônes ou inflorescences femelles du houblon renferment des composés à activité oestrogénique ou phytoestrogènes. On utilise des extraits de ces parties actives de la plante sous forme de poudre beige à brune pour des préparations pharmaceutiques dans le traitement des troubles de la ménopause.
Activité anxiolytique et sédative du houblon
Traditionnellement, le houblon est une plante réputée pour favoriser le sommeil.
Une étude clinique a été réalisée sur des patients présentant des troubles du sommeil. Ils ont suivi un traitement à base de houblon et de valériane. Cette préparation s’est avérée être une alternative efficace aux benzodiazépines pour traiter des troubles du sommeil non chroniques et non psychiatriques [12]. Les effets sédatifs de l’association houblon-valériane sont confirmés par une autre étude clinique menée à Bâle par le Dr Gerhard. Les patients affirment avoir une meilleure qualité de sommeil. [13]
Une étude chez le rat a montré que la fraction de houblon contenant des acides alpha exerce un effet sédatif sans influencer le comportement moteur des rats et a aussi un effet antidépresseur [14].
Action antioxydante du houblon
Jusqu’à 5% du poids sec des cônes de houblon sont constitués de tanins polyphénoliques, les proanthocyanidines. On les retrouve également dans la bière.
Ces molécules présentent une forte activité antioxydante en inhibant l’activité de l’oxyde nitrique neuronale synthase (nNOS). Le trimère catéchine, en particulier, a montré une action antioxydante supérieure à l’acide ascorbique et l’alpha-tocophérol. Cette étude du Dr Stevens suggère que ces molécules pourraient à la prévention de maladies liées aux espèces d’oxygène actif et nitrogène. [15]
Action anti-inflammatoire
Les extraits de houblon containant de la catéchine polymérisée ont été testés chez des souris après administration de toxines d’Helicobacter pylori responsables d’ulcères. In vivo, ces extraits ont inhibé l’attachement de la toxine à ses récepteurs, l’absorption de la toxine et l’entrée de la toxine dans la vacuole de cellules sensibles. In vitro, il a été montré que les extraits de houblon protégerait contre les toxines d’Helicobacter pylori en formant un complexe avec les toxines [21].
Action gastrique
Le houblon est capable d’augmenter le volume de suc gastrique sans affecter son acidité. Cela pourrait être lié au système nerveux cholinergique [22].
Activité hormonale du houblon
Les phytoestrogènes
Les phytoestrogènes sont des composants naturels de certaines plantes dont le haricot, le chou, l’épinard, le soja, les graines et le houblon. Ces molécules présentent une activité semblable aux oestrogènes (ou anti-œstrogène) produits par les animaux. Les principales classes de phytoestrogènes sont des isoflavones, de coumestanes et des lignanes. [1]
D’après le Dr Milligan de Londres, le composant du houblon présentant la plus forte activité oestrogénique est la 8-prénylnaringénine. Cette molécule, loin devant d’autres flavonoïdes de cette plante, est capable d’entrer en compétition avec l’oestradiol sur les récepteurs des oestrogènes alpha et ss issus d’utérus de ratte [2]. Il a été déclaré que cette molécule active n’est présente qu’en très faible quantité dans la bière [3]. En fait, une étude propose que la 8-prénylnaringénine ne serait qu’un artéfact formé par l’isomérisation de la chalcone DMX [19].
Ceci est confirmé par une étude portant sur l’activité oestrogénique de plusieurs plantes qui a démontré in vitro que l’extrait de houblon pouvait se lier aux récepteurs à l’oestrogène alpha et bêta. Ses composants phytoestrogéniques sont également capables d’induire l’activité de la phosphatase alcaline et de réguler l’expression de l’ARNm du récepteur de la progestérone [4]. Cette molécule a montré des effets délétères sur les cellules cancéreuses correspondant à ceux de l’oestradiol. [16]. Une étude montre des effets d’inhibition de l’angiogenèse. [17]
Effets avérés du houblon sur les symptômes de la ménopause
A partir de la ménopause, la femme voit sa production d’oestrogènes diminuer nettement. Ceci engendre des troubles (insomnies, bouffées de chaleur…). Des études scientifiques portent sur la capacité du houblon à diminuer ces troubles grâce à son activité mimant celle des oestrogènes dans le but de créer des traitements des symptômes de la ménopause sous forme de compléments alimentaires à base de plantes.
Effets avérés du houblon sur le métabolisme osseux
En raison de la chute des oestrogènes lors de la ménopause, la densité osseuse diminue progressivement, ce qui favorise l’ostéoporose. Diverses preuves scientifiques indiquent que la consommation de plantes contenant des phytoestrogènes, dont le houblon, pourrait contribuer à limiter cette diminution de la densité osseuse ou résorption osseuse.
In vitro, les phytoestrogènes auraient des effets similaires à l’ipriflavone en ce qui concerne le maintien de la densité osseuse [1]. D’autre part, l’équipe du Dr Tobe a isolé deux composés ayant une forte capacité à inhiber cette résorption osseuse ; le xanthohumol et l’humulone [5, 6].
Outre les effets démontrés in vitro des phytoestrogènes de houblon, une étude a mis pour la première fois en évidence in vivo sur des utérus de rattes que la 8-prénylnaringénine est un agoniste de l’œstrogène dans le métabolisme osseux. [7]
Action sur la prévention des cancers
Des études épidémiologiques démontrent que les produits alimentaires contenant des phytoestrogènes pourraient avoir un rôle bénéfique dans la protection contre certains types de cancers : colon, prostate, rectum, estomac et poumon. [1]
Les inflorescences femelles du houblon contiennent des flavonoïdes prénylés dont le xanthohumol qui présenterait une activité chémopréventive du cancer (il représente à lui seul 1% du poids sec des cônes de houblon). [8-18]
Une autre étude in vitro réalisée par le Dr Miranda a confirmé l’activité chémopréventive de certains flavonoïdes du houblon contre la prolifération de cellules humaines de cancer du sein et de l’ovaire chez la femme. [9]
Une étude réalisée in vitro sur des cellules de cancer du sein a également montré que l’extrait de houblon pouvait augmenter l’expression d’un gène inductible par l’œstrogène. [4]
Ces molécules agissent en inhibant les enzymes du cytochrome P450 humain qui activent les carcinogènes dans la phase d’initiation de la carcinogenèse. [10]
Un autre flavonoïde présent dans le houblon l’humulone, a été montré comme étant un inhibiteur d’un promoteur de tumeur chez la souris. [11] Ce flavonoïde induit in vitro l’apopotose de cellules cancéreuses par l’activation de la réaction en chaîne de caspases et par la diminution de l’expression des protéines Bcl2 impliquées dans l’apopotose [20].
Toxicité
La toxicité du xanthohumol a été testé chez des souris par une analyse haematologique et biochimique après 4 semaines d’ingestion at libitum. Mis à part une réduction du nombre de lymphocytes circulant, aucun effet secondaire indésirable n’a été noté sur l’intégrité des organes et le métabolisme protéique, glucidique et lipidique. Le xanthohumol semblerait donc relativement dénué de toxicité à la dose testée [23].
Conclusion
Différentes études in vitro ont conclu à l’efficacité de molécules actives contenues dans les inflorescences du houblon en ce qui concerne l’activité oestrogénique et ses conséquences sur le maintien de la densité osseuse et l’amélioration des symptômes de la ménopause, la prévention de cancers et maladies cardiovasculaires, l’activité anxiolytique et antioxydante. Cependant, des études in vivo plus poussées, notamment chez l’humain, et des études cliniques sont nécessaires pour évaluer les effets secondaires d’une exposition aux hormones (sur la fertilité, le risque d’apparition de cancers).
Références
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2. Milligan SR et al.,The endocrine activities of 8-prenylnaringenin and related hop (Humulus lupulus L.) flavonoids, 2000, J. Clin. Endocrinol. Metab., 85(12): 4912-5
3. Milligan SR et al.,Identification of a potent phytoestrogen in hops (Humulus lupulus L.) and beer, 1999, J. Clin. Endocrinol. Metab.,84(6): 2249-52
4. Liu J et al.,Evaluation of estrogenic activity of plant extracts for the potential treatment of menopausal symptoms, 2001, J. Agricut. Food Chem., 49(5): 2472-9
5. Tobe H et al.,Bone resorption inhibitors from hop extract, 1997, Biosci. Biotechnol. Biochem, 61(1): 158-9
6. Honma Y et al.,Induction of differentiation of myelogenous leukemia cells by humulon, a bitter in the hop, 1998, Leukemia research, 22: 605-10
7. Miyamoto M et al.,Prenyflavonoids: a new class of non-steroidal phytoestrogen. Estrogenic effects of 8-prenylnaringenin on bone metalism, 1998, Planta Medica, 64: 516-9
8. Yilmazer M, Stevens JF, Deinzer ML, Buhler DR, In vitro biotransformtion of xanthohumol, a flavonoid from hops (Humulus lupulus L.),by rat liver microsomes, 2001, Drug Metab. Dispos., 29(3): 223-31
9. Miranda CL et al.,Antiproliferative and cytotoxic effects of prenylated flavonoids from hops (Humulus lupulus L.) in human cancer cell lines, 1999, Food Chem. Toxicol., 37(4): 271-85
10. Henderson MCet al.,In vitro inhibition of human P450 enzymes by prenylated flavonoids from hops (Humulus lupulus L.), 2000, Xenobiotica, 30(3): 235-51
11. Yasukawa K, Takeuchi M, Takido M, humulon, a bitter in the hop, inhibits tumor promotion by 12-O-tetradecanoylphorbol-13-acetate in two-stage carcinogenesis in mouse skin, 1995, Oncology, 52(2): 156-8
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13. Gerhard U et al.,Vigilance decreasing effects of 2 plant derived sedatives, 1996, Schweiz Rundsh Med. Prax., 85(15): 473-81
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