La lactoferrine
La lactoferrine est une glycoprotéine liée au fer appartenant à la famille des transferrines. Son appellation découle de sa présence en forte concentration dans le lait d’origine humaine et, dans une moindre mesure, dans le lait d’origine bovine. À l’état naturel, la lactoferrine est partiellement saturée par le fer.
La lactoferrine se retrouve dans de nombreux fluides de l’organisme en contact avec le milieu extérieur ou destinés à être sécrétés (larmes, mucus, salive, lait). De plus, la lactoferrine est présente dans la circulation sanguine.
1. Rôles physiologiques de la lactoferrine
L’affinité de la protéine pour le fer explique de nombreuses fonctions en rapport avec la régulation des processus infectieux et inflammatoires. La lactoferrine intervient dans de très nombreux tissus et possède des propriétés antibactériennes [1].
Action antioxydante
La présence de fer libre peut avoir un impact considérable sur les réactions d’oxydoréduction pouvant se dérouler dans l’organisme. De ce fait, la lactoferrine possède une fonction antioxydante indirecte indéniable. Le fer joue comme un catalyseur de la production d’espèces libres de l’oxygène. Par conséquent, la lactoferrine protège les cellules de l’immunité des dégâts causés par les mécanismes oxydants impliqués dans l’inflammation. Les neutrophiles peuvent libérer de la lactoferrine, tandis que les macrophages possèdent des récepteurs à leur surface leur permettant d’interagir avec cette glycoprotéine.
Action anti-inflammatoire
Les polynucléaires libèrent la lactoferrine dans les zones d’inflammation. Cette dernière capte du fer, qui n’est plus disponible pour réagir avec des espèces réactives de l’oxygène ou pour être utilisé par des micro-organismes pathogènes.
Contribution à l’équilibre intestinal
La lactoferrine réduit l’intensité des phénomènes inflammatoires intestinaux. L’intestin est le siège d’une compétition entre une flore bénéfique et des souches bactériennes potentiellement dangereuses. Ces dernières peuvent causer une inflammation chronique de l’intestin. La consommation de lactoferrine a été corrélée avec une meilleure prolifération des micro-organismes favorables (comme les bifidus), au détriment des souches potentiellement pathogènes (genres Streptococcus, Clostridum ou autres). Surtout, elle favorise l’éradication d’une bactérie pouvant causer des affections graves dans le tube digestif : Helicobacter pylori [2]. D’une manière générale, il est envisagé que la lactoferrine puisse être employée pour limiter les conséquences d’états inflammatoires chroniques. D’ores et déjà, des résultats intéressants ont été obtenus chez la souris [3]. Le mode d’action de la molécule réduirait en particulier la limitation de cytokines pro-inflammatoires (TNFα).
2. La lactoferrine et l’immunité
L’action de la lactoferrine est essentielle en de nombreux tissus potentiellement en contact avec des agents pathogènes. Elle est déterminante par exemple dans la cavité buccale. Si les mécanismes par lesquels la lactoferrine interagit avec les cellules de l’immunité ne sont pas tous connus, il ne semble guère faire de doute que cette protéine renforce l’immunité tout en participant de l’équilibre intestinal. Ceci a été objectivé chez la souris [4]. Des cellules de l’immunité (macrophages) expriment notamment des récepteurs à la lactoferrine. Cette protéine contribue à réguler le comportement des cellules natural killer [5, 6]. Par conséquent, elle est considérée comme un stimulant de l’immunité très prometteur [7], y compris chez des personnes saines. Dans le contexte de l’infection par le VIH, l’abaissement des concentrations plasmatiques de lactoferrine a été rapproché de la progression du syndrome d’immunodépression [8].
Les effets de la lactoferrine sur l’intestin sont liés à l’écologie particulière de cet organe. Ses propriétés bactéricides et bactériostatiques sur de nombreuses souches sont établies. Elles sont particulièrement intenses sur des germes dont les voies métaboliques nécessitent du fer libre. En effet, la protéine prive de tels micro-organismes d’un nutriment essentiel. En outre, la lactoferrine posséderait une action antibiotique directe sur les bactéries Gram-, en perturbant leur membrane polysaccharidique.
3. Des applications thérapeutiques vastes
La lactoferrine entre dans la composition de produits complexes à vocation antibactérienne. Elle est également utilisée dans la composition de laits maternisés. Sur le plan clinique, cette protéine offre de grandes perspectives dans le contexte des infections de l’estomac par la bactérie Helicobacter pylori. Contrairement aux antibiothérapies usuelles, elle présente l’avantage de ne pas induire de résistances bactériennes.
Bibliographie
[1] Farnaud S, Evans RW Lactoferrin, a multifunctional protein with antimicrobial properties. Mol Immunol. 2003 Nov;40(7):395-405. Review.
[2] Di Mario et al. Use of lactoferrin for Helicobacter pylori eradication. Preliminary results. J. Clin Gastroenterol. 2003; 36: 396-398.
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[5] Damiens E, Mazurier J, el Yazidi I, Masson M, Duthille I, Spik G, Boilly-Marer Y. Effects of human lactoferrin on NK cell cytotoxicity against haematopoietic and epithelial tumour cells. Biochim Biophys Acta. 1998 Apr 24;1402(3):277-87.
[6] Shau H, Kim A, Golub SH. Modulation of natural killer and lymphokine-activated killer cell cytotoxicity by lactoferrin. J Leukoc Biol. 1992 Apr;51(4):343-9.
[7] Yamauchi K et al., Effects of orally administered bovine lactoferrin on the immune system of healthy volunteers. Adv Exp Med Biol 1998; 443: 261-5.
[8] Defer MC et al., Impairment of circulating lactoferrin in HIV-1 infection. Cell Mol Biol 1995 May; 41(3): 417-21.